L’enseignement secret de la psychanalyse
(Secret, se crée, sacré, ça crée)
L’inconscient est structuré
comme un langage mais ce langage est un langage inconnu. Le « ça parle » ne parle ni comme
le langage ordinaire ni comme le langage savant c’est-à-dire ces langues où les
mots et les choses sont identiques à
eux-mêmes, là, les choses sont simplement
les choses et les mots signifient ce qu’ils disent .Dans le langage
inconnu de l’inconscient il n’y a pas de code. Les mots sont décortiqués selon
les sonorités qui les composent et signifient toujours autre chose sans qu’on puisse les fixer ou les bloquer. C’est une langue qui
débloque. Mais qui débloque toutes les formes de névroses qui empoisonnent nos
comportements. Un langage qui nous déhypnotise des idéologies et des
fantasmes qui trament nos destins
autrement dit sa fonction est de nous éveiller.
La topologie de la
psychanalyse, la topologie de Lacan, n’a rien à voir avec la topologie des
mathématiques. Celle-ci s’occupe des objets et de leurs déformations celle-là
ne traite que du langage, qui plus est, du langage de l’inconscient. « Si
je suis psychanalyste, psychanalyste lacanien, dit Lacan dans son séminaire 18
(1971) : « D’un discours qui ne
serait pas du semblant » (p.36), c’est parce que j’ai fait du chinois
autrefois ». (Le discours qui n’est pas du semblant c’est le discours de
l’inconscient.Les discours imaginaire et symbolique sont des discours du semblant). Or la langue chinoise est l’empire des traits, du trait unaire aux traits les plus croisés, les plus tourmentés, les plus noués. Tout trait en topologie se ferme sur lui-même pour former un rond. Ce que la pensée chinoise sait depuis toujours puisqu’elle présente le rond ou le zéro, le cercle vide, comme « taiji », 太極, c’est-à-dire « le faîte suprême » de la pensée. C’est le « Non-être", le symbole du vide ou du non-existant : wu, représenté par un cercle vide. Mais pour autant, il n’y a pas d’essence chinoise. Nous pouvons rester indifférents à sa pensée. Elle n’a à nous fournir seulement « qu’une réserve de traits », comme dit le sémiologue Roland Barthes dans L’empire des signes « dont la mise en batterie, le jeu inventé » permet d’établir un système, au sens saussurien du terme, tout à fait inouï en ce sens qu’il est « entièrement dépris du nôtre ». Ce qui peut être pointé dans les considérations de la pensée chinoise ce n’est pas tant une autre métaphysique ou une autre sagesse que la possibilité d’une différence, d’une mutation, d’une révolution relevant entièrement de la révolution psychanalytique en tant que « le retour à Freud » selon Lacan. Huo Datong, le premier psychanalyste chinois, ne dit-il pas depuis une dizaine d’années, que l’inconscient de tous les individus est structuré comme l’écriture chinoise (Dorian Malovic « La Chine sur le divan » p. 41) ?
La confusion qui règne aujourd’hui entre la psychologie et la psychanalyse est semblable à celle des traductions occidentales des textes classiques chinois. Elle consiste à s’efforcer d’acclimater notre refoulement de l’inconscient comme notre inconnaissance de l’écriture chinoise à des langages connus. Cette occultation idéologique d’une part et narcissique d’autre part, montre pourtant des fissures évidentes que la topologie lacanienne des nœuds nous permet d’exploiter. C’est que cette écriture de l’inconscient opère sur ceux qui la pratiquent un certain ébranlement des personnes, un renversement des anciennes lectures, une secousse de sens, déchiré, exténué, jusqu’au vide insubstituable, jusqu’à la perte de tout sens que le Tchan appelle le « satori ». Séisme traumatique plus ou moins violent qui fait vaciller la connaissance et fait mourir le moi, l’ego, l’imaginaire, pour que surgisse l’éveil du sujet de la certitude sans fond. « Là où fut ça le sujet doit advenir », disait Freud. Tout trait n’étant que la trace d’une parole du ça. C’est par ces quelques considérations que nous devons aborder, afin qu’elle nous soit fructueuse, la topologie du langage inconscient, me semble-t-il.
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